Blog Le Son Passage

Article n°1 Le Son Passage

Jeudi 31 janvier 2019                                                   

 

Ma lettre à la Fédération Française de Musicothérapie

 

Me voici en ce matin grisailleux de fin janvier. L'idée de commencer un blog sur mon activité de musicothérapeute me trottait dans la tête depuis quelques temps. 

Ce matin, devant mon ordinateur, j'ai eu une envie subite et inexpliquée, d'écrire un email à la FFM (la Fédération Française de Musicothérapie), l'une des 3 principales organisations françaises pour la musicothérapie. Je suis agréée à la FFM, et c'est la seule organisation pour la musicothérapie à laquelle je veux me rattacher ici en France. Elle fait beaucoup pour l'évolution de mon métier, sa reconnaissance gouvernementale et le DPC (Développement Professionnel Continu = la formation continue). 

Sans en dire plus, voici la lettre que je viens d'adresser à la FFM. 

 

 

"Très bonne année!

J'aurais voulu savoir s'il y avait un avancement par rapport à la reconnaissance gouvernementale/réglementation de la musicothérapie en France.
Ayant remarqué que l'Urssaf a fait une erreur quant à mon domaine d'activité (ils m'ont inclus dans la catégorie Artiste...), et sachant que les professions telles que ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, sont reglementées par le code de la santé publique, et pourtant traitent les mêmes pathologies que la musicothérapie, je me demande pourquoi le gouvernement français ne nous a pas encore accordé de réglementation, aujourd'hui en 2019. 

Au Royaume-Uni par exemple, comme vous le savez sûrement le titre de musicothérapeute est reconnu et protégé par l'Etat depuis 1997. Le reste des arts-thérapies sont protégées également depuis 1999. Les arts-thérapeutes sont inscrits obligatoirement au HCPC (Health & Care Professionals Council). 

Alors est-ce le gouvernement français qui peine à se moderniser, ou la musicothérapie en France qui manque de personnalités, d'acteurs actifs oeuvrant à cette reconnaissance? M'étant formée au Royaume-Uni, je sais que ce pays doit la reconnaissance professionnelle de la musicothérapie à Tony Wigram, Leslie Bunt et Helen Odell-Miller, qui ont travaillé sans relâche pour la protection gouvernementale de leur métier dans le domaine de la santé publique. Je sais que la FFM y travaille activement, mais les musicothérapeutes eux-mêmes en France? Par exemple, il y a encore des gens se formant à la musicothérapie, par des formations non-reconnues par la FFM (certaines sont bien courtes, comme ici à Toulouse le DU musicothérapie sur 12 mois). 
Ou bien, le fait que la supervision professionnelle et le DPC pour les musicothérapeutes ne soient pas obligatoires...

Comment pourrons-nous être reconnus, s'il n'y a pas de notre part déjà plus de conscience professionnelle, plus de sérieux, et plus d'organisation au niveau national? Au Royaume-Uni encore (encore cette référence je m'excuse, mais c'est celle que je connais!), il y avait deux associations pour la musicothérapie, qui ont décidé en 2011, de se rejoindre pour n'en faire qu'une : la BAMT (British Association for Music Therapy), ce qui bien sûr a été une stratégie clé pour unifier les musicothérapeutes britanniques et a certainement aidé à donner plus de clarté et de professionalisme aux yeux de leur pays. En France, nous avons la FFM, l'AFM, la SFM...quel dommage de se diviser autant, je pense. 

En tout cas, je me rappelle avoir lu un mail récent de la FFM, expliquant que vous êtiez en négociation avec le gouvernement pour la réglementation de la musicothérapie. Y a-t-il un avancement? 
Je suis de mon côté en recherche de collègues à Toulouse et dans le Tarn, qui seraient intéressés par la création d'une association locale qui travaillerait activement à la diffusion de la musicothérapie (par des conférences et ateliers). J'ai demandé à quelques uns, malheureusement qui n'ont pas été intéressés. 
Je pense vraiment que ce n'est que comme cela que nous obtiendrons une reconnaissance du gouvernement dans le domaine de la santé publique, dans lequel nous travaillons d'ores et déjà. 


Chaleureusement, 

Anaïs Schokaert
Musicothérapeute agréée
Professeur de harpe 
Toulouse & Tarn

MA Music Therapy
(Cambridge, UK)"

 

A méditer!

 

 

 

 

 

Article n°2 Le Son Passage

Mardi 26 mars 2019                                                  

 

Et me voici en ce beau matin de mars!

Je désire vous écrire les suites de ma lettre à la Fédération Française de Musicothérapie (voir ma Lettre n°1). Je ne m'y étais pas attendue, mais la Fédération a répondu à ma lettre instantanément. Il se trouve, pour ma plus grande joie, qu'ils sont actuellement en négociation avec le Ministère de la Santé, pour la protection du titre professionnel de musicothérapeute. Il se trouve aussi qu'ils m'ont proposé de faire partie de cette commission qui se nomme "Perspective 2020". Evidemment j'ai été honorée! 

 

Ce jeudi 28 mars, notre commission Perspective 2020 en sera donc à sa deuxième réunion, pour travailler sur la protection du titre de musicothérapeute. Il ne s'agit pas encore de la reconnaissance gouvernementale de la musicothérapie en tant que Diplôme d'Etat. Pourquoi? HAHA, je me le demande. En effet, la musicothérapie est pratiquée en France depuis les années 1970. Enfin...retour en arrière: c'est une profession vieille comme le monde (Hippocrate, Platon, tous ces génies de la Grèce antique, ainsi que les anciens égyptiens - des génies dans leur genre aussi, et certainement d'autres civilisations avancées, pratiquaient tous la musique pour soigner divers souffrances humaines). Cependant, dans notre monde moderne, où nous avons tant besoin de réglementations gouvernementales (que ferions nous sans notre cher gouvernement? Nous serions perdus, pour sûr! hem...) mais je diverge! dans l'état actuel des choses, c'est ainsi, nous réglementons les métiers de la santé. C'est une bonne chose dans notre monde, afin d'écarter les individus qui prétendraient être professionnels de la santé, sans même s'être formés amplement. 

 

Ce qui m'amène à la situation professionnelle de la musicothérapie en France. Comme ce métier n'est pas réglementé par le gouvernement, le titre de musicothérapeute n'étant pas non plus protégé, toute personne peut se proclamer musicothérapeute sans être inquiétée par aucune forme de corps réglementaire. Et ça, et bien ça ne paraît peut-être pas, sauf que si on réfléchit, on réalise que sans formation des techniques et des savoirs de la musicothérapie, on est un danger pour les patients qui font appel à nous. La France n'étant pas encore au point au niveau de l'harmonisation des formations (les volumes horaires et les contenus pédagogiques ne sont pas les mêmes d'une formation à l'autre), j'ai décidé de me former dans un pays où la musicothérapie est extrémement réglementée et reconnue par son gouvernement : le Royaume-Uni.

J'ai bien fait. Mon Master de musicothérapie à Cambridge était réputé, solide, difficile je ne le cache pas. Cependant j'ai énormément appris, tant en théorie qu'en pratique. Effectivement j'ai bénéficié de longs stages auprès de divers patients adultes et enfants, et j'en ai appris beaucoup sur toutes les pathologies qu'un musicothérapeute peut rencontrer dans sa pratique. J'en ai bien sûr appris beaucoup sur plusieurs courants de la psychothérapie et de la psychologie. Nous avons touché brièvement la neurologie et ses liens avec la musique. C'est le seul point qui pour moi manquait. Il existe cependant une formation dispensée par le Dr Thaut (américain), nommée la NMT (Neurologic Music Therapy), pour en apprendre bien plus sur les techniques permettant d'accompagner les personnes atteintes d'accidents vasculaires cérébraux, et autres atteintes neuro. Paraît-il que ces techniques rendent possible la réacquisition du langage ou d'éléments linguistiques dans le cas d'atteintes aux zones cérébrales du langage. Cette formation est sur ma liste! 

 

Une deuxième grave conséquence de la non-réglementation de la musicothérapie : nous autres les musicothérapeutes (qui travaillons depuis les années 70 avec des objectifs thérapeutiques, écrivons des évaluations détaillées, procurons une aide certaine aux patients et aux institutions qui font appel à nous), et bien nous galérons à être pris au sérieux! Pardonnez-moi l'expression, mais c'est la vérité. Nous devons sans cesse fournir des projets avec études à l'appui, aux institutions qui autrement ne nous feraient pas assez confiance, nous ne sommes pas souvent inclus dans les équipes pluridisciplinaires (c'est pourtant la meilleure supervision qui soit, et la façon la plus constructive d'apporter notre aide aux patients, de manière interdisciplinaire) ; et nous n'obtenons que trop rarement une sécurité de poste. Nos contrats sont trop souvent vacataires, ou bien non reconduits pour cause de "manque de budget" etc... 

Tout cela pour nous est pesant, épuisant même, car en plus de faire évoluer notre profession dans une situation généralement précaire, à cause de cela nous ne pouvons pas bien nous concentrer sur notre métier en lui-même : les institutions ne nous payent pas automatiquement pour nos rédactions de transmission, nos bilans, l'écriture de projets qu'ils exigent pourtant. Nous aimerions exercer notre métier dans des conditions saines, nous autorisant le temps de bien faire notre travail, et aussi d'organiser des conférences, des ateliers sur la musicothérapie. Nous aimerions aussi être valorisés! Ce n'est pas accessoire. Les institutions ne nous proposent jamais non plus de budget, alors qu'ils le font dans d'autres pays (Royaume-Uni par ex); pourtant, dieu sait si ces instruments nous reviennent extrêmement cher et exigent une logistique du tonnerre. 

 

Alors je suis vraiment heureuse de faire partie de cette commission Perspective 2020 pour la protection du titre professionnel de musicothérapeute. Si ce n'est pas l'avancée que nous désirons (à savoir la réglementation du métier par le ministère de la santé en tant que diplôme d'Etat), au moins c'est un pas en avant. 

 

Je reporterai sur cette lettre les avancées de cette commission, d'ici à 2020. 

 

Passez une belle journée toutes et tous! 

 

Anaïs